ENTRETIEN : Laurent Toubiana (INSERM) sur l’épidémiologie du Covid-19

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Laurent Toubiana est chercheur en épidémiologie à l’INSERM depuis près de 30 ans. Il a notamment beaucoup travaillé sur les maladies infectieuses. Dans ce long entretien, il explique en détail les pièges de l’analyse statistique (à quels indicateurs se fier ?), les erreurs des modélisateurs-catastrophistes et les mécanismes de l’épidémie (notamment l’immunité collective).

Entretien réalisé par LAURENT MUCCHIELLI

1) Laurent Toubiana bonjour. Vous avez été attaqué ces derniers jours par des journalistes (Libération, L’Express, France TV) qui, dans leur ignorance et leur soumission à la ligne fixée par ministère de la Santé, se permettent de vous contester le titre d’épidémiologiste pour mieux délégitimer vos analyses. Pouvez-vous vous donc nous présenter votre trajectoire professionnelle, votre CV en quelque sorte ?

Qu’est-ce qu’un épidémiologiste ? Il n’existe pas de titre « officiel » d’épidémiologiste lié à une spécialité de doctorat. On appelle donc épidémiologiste un chercheur dont l’activité se situe dans ce champ et ayant produit des travaux évalués par les « pairs » du domaine.

Partant de là, ces journalistes se sont arrêtés à la première ligne de mon CV qui mentionne un Doctorat en Physique (spécialité astrophysique). S’ils avaient été honnêtes, ils auraient continué et compris que mon intégration à l’INSERM m’a définitivement éloigné de cette discipline depuis plus de 30 ans.

L’épidémiologie est un domaine scientifique qui a pour objet l’étude des facteurs pouvant altérer l’état de santé des populations humaines. Elle ne se limite pas à l’étude des maladies infectieuses comme par exemple l’actuelle épidémie de COVID mais aborde tous types de désordre de santé : maladies rares, chroniques, comportementales, environnementales, etc.

Elle couvre de nombreux aspects méthodologiques tels que la mise en place de dispositifs permettant le recueil de données de santé (cohortes, registres, observatoires, études de terrain) ainsi que les moyens de traitement de cette information (essentiellement fondée sur les statistiques mais pas uniquement) pour en déduire des connaissances sur les déterminants de santé qui eux-mêmes servent de fondement à l’aide à la décision sanitaire ou à la prévention.

Plusieurs formations permettent d’acquérir ces compétences en formations complémentaires à des formations initiales diverses. Quelques médecins s’orientent vers cette discipline mais pour une grande part, les épidémiologistes ont une formation initiale d’ingénieurs ayant donc un « bagage » méthodologique important.

Pour ce qui concerne les chercheurs INSERM, les épidémiologistes sont en général évalués par une des 6 Commissions Scientifiques Spécialisées (CSS) intitulée : « Santé publique, Technologies de la santé ». Je suis inscrit dans cette commission depuis le début de ma carrière à l’INSERM. J’en ai été membre en tant que commissionnaire et membre de sa commission permanente (Bureau) de 1999 à 2002.

En 1992, j’ai intégré l’unité d’épidémiologie du Pr. Valleron où j’ai participé à ce qui s’appelle aujourd’hui le « Réseau Sentinelles » qui assure la surveillance des maladies infectieuses et en particulier des syndromes grippaux. Depuis, l’ensemble de mes travaux ont relevé et relève toujours de l’épidémiologie. Au cours des 28 dernières années, j’ai été inscrit successivement au profil de 7 unités de recherche liées directement au domaine de l’épidémiologie où pour certaines, j’ai été directement impliqué en tant que responsable d’équipe.

Entre 2003 et 2007, j’ai été aussi l’un des 30 membres du Conseil Scientifique de l’INSERM et à ce titre, avec Denis Hémon (Épidémiologiste, ancien directeur d’unités de recherche INSERM, Vice-président du Conseil Scientifique et ancien président de la CSS « épidémiologie et santé publique ») nous avons été rapporteurs de toutes les unités d’épidémiologies en France créées ou en évaluation quadriennale pendant cette mandature.

Depuis 2012 je fais partie de l’UPRES 1143 LIMICS où je continue à animer le groupe de recherche SCEPID « Systèmes Complexes et Épidémiologie » dont certaines réalisations sont portées par la plateforme PeeL : « Plateforme e-santé et épidémiologie du LIMICS » dont je suis le responsable. J’ai obtenu personnellement plus de 30 contrats de financement institutionnels, privés et associatifs pour des projets nationaux et internationaux que j’ai dirigés dans de nombreux domaines : Pathologies infectieuses, Pathologies chroniques, Maladies rares Addictologie, Accidentologie, Permanence des soins, Evaluation des pratiques, Activité médicale, Silver économie.

J’ai fondé et dirige l’IRSAN Institut de recherche pour la valorisation des données de santé.

J’ai par ailleurs organisé 3 congrès internationaux GeoMed (Geography and Heath) dont le thème principal est la diffusion des pathologies émergentes. Et j’ai signé plus de 170 communications de toute nature dans ce champ scientifique dont de nombreuses conférences invitées. Enfin, entre 2014 et 2017, j’ai été éditeur de la section « Public Health and Epidemiology Informatics » du Year Book de l’International Journal of Informatics Association.

2) Merci. Donc vous avez en réalité ce qu’on peut appeler un gros CV en épidémiologie. Ces journalistes ont hélas bel et bien été malhonnêtes envers vous. Vous dirigez actuellement l’IRSAN, de quoi s’agit-il ?

L’IRSAN est l’Institut de recherche pour la valorisation des données de santé. Je l’ai fondé dans le cadre d’un partenariat avec une importante fédération d’associations de médecins dont le premier partenariat date de 2010. A partir de 2012, cette fédération m’a demandé d’évaluer la possibilité de valoriser les données d’exploitation de leur activité. En effet à la suite de la canicule de 2003, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), l’une des composantes de Santé Publique France (SFP), les avait aidés à organiser la concaténation des données d’activité issues de ces associations à un niveau national mais avait jugé rapidement que ces données étaient « inexploitables » et inutiles car non suffisamment représentatives. J’ai relevé avec enthousiasme ce défi dans le cadre d’un partenariat non financé entre mon équipe INSERM et cette fédération. J’ai tout de même présenté ce projet lors de la demande de création de l’unité de recherche LIMICS devant les instances d’évaluation de l’INSERM en 2013.

A partir de 2014, j’ai créé l’IRSAN pour développer l’infrastructure matérielle d’un premier observatoire pour le suivi de certaines pathologies à partir des données de ces médecins. Le succès de ce travail a été retentissant et dans de nombreux domaines. Ils permettaient de détecter très précocement et avec une grande précision la dynamique des épidémies en France notamment l’arrivée des épidémies de syndromes grippaux.

Très rapidement, d’autres associations de médecins ont contacté l’IRSAN pour valoriser leurs propres bases de données. L’une des plus belles réussites de l’IRSAN se situe aujourd’hui dans le domaine des maladies rares avec la mise en place de l’expérience unique au monde du réseau international de la Dysplasie Fibro-Musculaire FEIRI (European/International Fibromuscular Dysplasia Registry and Initiative).

3) Quand et comment avez-vous commencé à travailler sur la Covid ?

Comme je l’ai écrit dès ma première analyse du 11 mars 2020 : « une épidémie déconcertante », j’ai beaucoup hésité à « penser » cet évènement. Dès le tout début, tout me semblait « aller de travers ». Dans cette analyse, j’ai écrit : « nous avons préféré ne pas réagir précipitamment face à ce phénomène émergent. Les chiffres rapportés, les grandeurs utilisées, les calculs peu rigoureux mais pourtant publiés dans des revues sérieuses, nous indiquaient qu’il était urgent de prendre du recul vis-à-vis de la question ». Puis, j’ai compris que les habituels annonciateurs d’apocalypse commençaient à mettre en place leur « mécanique à générer de la peur ». Je me suis dit alors qu’il fallait déchiffrer et, peut-être, apporter au plus grand nombre des éléments de compréhension. Depuis près de 30 ans, sans l’avoir formalisé, j’ai souvent été le témoin de tels comportements « alarmistes » (probablement louable initialement) de ces « lanceurs l’alerte » en particulier dans le domaine de la santé et des épidémies. Ce n’est pas pour rien que l’un des premiers réseaux auquel j’ai participé s’appelle « Sentinelles » sémantiquement lié à l’alerte. Mais il existe malheureusement un effet pervers à l’alerte et même un véritable piège. Il engendre en effet la panique de celui qui la reçoit et l’hubris de celui qui la porte. De plus ce denier ne prend quasiment pas de risque à alimenter la panique qu’il provoque car personne ne pourra lui reprocher d’avoir alerter pour rien. Nous avons dans cette crise du Covid assisté exactement à ce type de comportement de la part des fabricants de peur. Ainsi, ils ont commencé par annoncer 500 000 morts alors qu’une telle éventualité était hautement improbable. Les autorités ont paniqué et, au nom du principe de précaution, ont mis en place la mesure du confinement. La catastrophe annoncée n’est pas arrivée et les autorités ont dit que c’était grâce au fait d’avoir mis ne place les mesures préconisées par les alarmistes. Je signalerai pendant notre entretien les nombreux éléments de réflexion qui montrent le contraire.

Mon premier travail a été de comparer ce que nous savions de l’épidémie avec les données de Chine, de celles du « Diamond Princess » et celles connues d’épidémies de même nature. J’entends par « épidémies de même nature », celles se transmettant de la même manière et attaquant les voies respiratoires dont la plus connues, c’est un modèle depuis des années : les épidémies de « syndromes grippaux ».

Puis, dans le cadre de mon équipe « SCEPID : Système Complexe et Épidémiologie » et de l’IRSAN, nous avons rapidement créé une site spécial pour le suivi de l’épidémie de Covid. Ce site n’a cessé de s’enrichir au cours du temps. Puis entre le mois d’avril et le mois de mai 2020, Nous avons monté 5 enquêtes autour des conséquences du confinement (Activité physique, Précarité (EPICE), Anxiété (HAD), Stress et Critères pour le déconfinement ). Cette dernière enquête est devenue un outil d’aide à la décision nommé le CRAC (Covid Risk Assessement Calculator) qui permet dévaluer en fonction de chaque profil individuel d’évaluer le risque réel de l’exposition au Covid-19.

Plus tard, avec deux chercheurs de mon laboratoire, nous nous sommes intéressés aux données issues des médecins « en première ligne » car je connais parfaitement leurs caractéristiques dans la mesure où je les avais déjà traitées dans le cadre du partenariat avec l’IRSAN. Ceci nous a permis d’estimer l’incidence réelle de l’épidémie et son évolution comme on le fait pour n’importe qu’elle autre maladie (et en particulier la grippe ou les gastroentérites).

Nous avons montré par rétro-calcul que lors de la mise en place du confinement, il était déjà trop tard car l’épidémie avait déjà largement atteint une vitesse telle qu’il n’était plus possible de l’arrêter. Ce travail est le deuxième élément qui met en doute l’efficacité du confinement.

Plus tard encore, je me suis intéressé à la mortalité car je l’avais beaucoup étudiée à l’occasion de la canicule de 2003 en collaboration avec Hervé Le Bras dans le cadre du département de démographie historique de l’EHESS où j’ai été chercheur associé pendant une vingtaine d’années. Nous montrerons plus loin les éléments de cette analyse.

Enfin, j’ai étudié le comportement dynamique de cette mortalité dans une étude transversale sur l’ensemble des pays de la planète avec une équipe de Data-scientistes avec lesquels nous avons montré que cette dynamique était identique quel que soit le lieu géographique observé et donc indépendamment des mesures de confinement mises en place. Ce travail est le troisième élément qui met en doute l’efficacité du confinement.

4) Le 11 mars 2020, vous avez publié un article comparant la dynamique de l’épidémie de Covid-19 en Chine à celle de la grippe saisonnière en Europe. Vous constatiez la fameuse courbe en cloche. Et vous annonciez une croissance exponentielle de l’incidence du nouveau virus en mars avant un reflux fin avril. Finalement, avec 10 à 15 jours de décalage, c’est exactement ce qui s’est passé, non ? Comment expliquer concrètement cette cloche ? Cette brutale augmentation suivie d’un reflux ?

Le 11 mars 2020, j’ai diffusé une analyse de la situation (« COVID-19 : une épidémie déconcertante ») aux journalistes et aux rédactions que je connaissais depuis les années 1990. Cette analyse relativement concise décrivait ce qui allait se passer dans les semaines qui allaient suivre. J’écrivais : « Nous montrons l’évolution comparée des incidences hebdomadaires de COVID-19 en Chine et de syndromes grippaux en France au cours de 7 semaines d’épidémies. Nous constatons que le profil dynamique est comparable. Il commence en une phase ascendante rapide, atteint un pic en 3 à 4 semaines puis reflue de manière quasi symétrique pendant les 3 à 4 semaines suivantes. Ce profil épidémique est celui observé depuis plus de 30 ans par les équipes de santé publique en France et depuis 50 jours en Chine ». Puis en prenant beaucoup de précaution : « dans l’hypothèse forte et risquée que la dynamique de cette épidémie reste identique partout, alors il est très possible d’espérer que l’épidémie atteigne son pic en Europe avant la fin mars et avec une fin de l’épidémie vers la fin avril 2020. Même si cette hypothèse s’avère exacte, il faudra avoir les ‘nerfs solides’ car pendant cette période, l’incidence va s’accroître de manière « exponentielle » comme pour toutes les épidémies de ce type ».

Si on se réfère au nombre de cas confirmés à partir des données de Santé publique France (et diffusé au niveau international par la John Hopkins Univertsity), en effet le pic épidémique intervient le 9 avril 2020 soit environ 10 jours après ce que j’avais prévu. Mais si on se réfère aux données des médecins « en première ligne » (toujours diffusées par SPF) c’est-à-dire les données de terrain recueillies en population générale et non en milieu hospitalier, alors la date du pic se situe entre le 27 et 29 mars soit exactement ce que j’avais prévu. Quant à la fin de l’épidémie, tout dépend du seuil choisi mais la fin de la phase épidémique se situe effectivement fin avril/début mai.

Dès le début de l’épidémie donc, j’avais une analyse qui tranchait radicalement avec la communication ambiante sur l’épidémie. D’ailleurs, une seule radio m’a interviewé à l’époque, le 13 mars 2020, puis plus rien jusqu’à ma réapparition fugace à partir de mi-avril (AFP puis RTL) qui me permettait de confirmer que ce que j’avais prédit était effectivement arrivé. Puis plus rien pendant très longtemps.

Figure 1 : Évolution comparée des incidences hebdomadaires de COVID-19 en Chine (en bleu) et des incidences moyennes sur 10 ans (2009 à 2019) de syndromes grippaux en France au cours de 7 semaines d’épidémies (en rouge).

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Figure 2 : Évolution de l’estimation des incidences quotidiennes de COVID-19 à partir des donnée de terrain recueilli par les « médecins en première ligne ». Le pic épidémique arrive entre le 27 et 28 mars 2020 et la fin de l’épidémie fin avril début mai comme Laurent Toubiana l’avais prévu dans son analyse du 11 mars 2020.

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5) Vous disiez aussi qu’il faudrait avoir « les nerfs solides », ne pas s’affoler outre-mesure. Vous évoquiez pour cela les précédents : les 15 000 morts de la grippe du seul mois de janvier 2017 et les autres 15 000 morts de la canicule de l’été 2003. Comment situer le Covid par rapport à ces autres pics de mortalité saisonnière ?

La question de l’évaluation de l’impact d’un phénomène sanitaire sur la mortalité peut sembler simple à aborder. Une des approches possibles est de compter de nombre de morts de la maladie en question et le tour est joué. C’est à peu près ce que font les autorités sanitaires dans leur communication quotidienne. En réalité, une telle approche n’est pas simple : elle est simpliste !

A l’heure où sont écrites ces lignes (le 23 octobre 2020), le nombre total officiel est de 34 508 morts du Covid. Encore une fois, il s’agit d’un nombre cumulé depuis de début de l’épidémie de Covid soit le depuis le 3 mars 2020 donc depuis 7 mois et demi soit 230 jours. Ce chiffre peut paraître très important dans l’absolu mais il donne en moyenne 1,38 mort du Covid par semaine pour 100 000 habitants. Pour fixer les idées cela revient à peu près 1,38 décès par semaine dans des villes comme Caen ou Avignon. Ce chiffre est tout de même très loin de l’hécatombe annoncée.

En premier lieu une telle approche est simpliste car le nombre de biais de comptage est très important, les morts sont-ils tous attribuables directement au Covid ou plutôt à des comorbidités de type cardiovasculaire, diabètes, cancers, fins de vie, etc. ? C’est une question majeure. Il est évident que l’on compte beaucoup plus de « morts du Covid » qu’il n’y en a en réalité. La question serait de savoir combien exactement : un cinquième ? un quart ? un tiers ? la moitié ?

En démographie et en épidémiologie, il est préférable de se fonder sur ce que l’on appelle la « surmortalité » au passage d’un événement sanitaire. Le principe est relativement simple à comprendre : l’excès (ou le défaut) de mortalité est la différence entre le nombre de décès lors de l’événement sanitaire (par exemple une canicule ou une épidémie de grippe) et la moyenne des décès au cours de la même période lors des 3 à 5 années précédentes. C’est sur ce principe qu’a été évalué l’excès (surmortalité) de 15 000 morts lors de la canicule de 2003. De même, pour le seul mois de janvier 2017, au passage de l’épidémie de grippe de cette année-là, la surmortalité a été estimée à près de 15 000 morts en excès. Ce principe d’évaluation de l’excès de mortalité sert globalement à évaluer l’effet d’une crise sanitaire. Mais lui aussi a des biais liés à l’échantillonnage temporel. Sans entrer dans le détail des biais d’échantillonnage, il est facile de comprendre que lorsque l’on calcule la surmortalité toutes les semaines, nous n’obtenons pas les mêmes résultats que si on le regarde tous les mois ou encore lorsque l’on intègre le nombre de décès sur une année car la sommation sur des périodes longues lisse le phénomène très bref d’un événement sanitaire majeur. En d’autres termes, on ne pourra effectivement voir l’effet réel de l’épidémie de Covid que lorsque l’on sommera tous les décès de l’année 2020, on observera alors quelle est la différence avec les autres années (corrigée de l’évolution naturelle de la population) et dans quelle mesure elle est significative. A priori, il est très douteux que l’événement sanitaire du Covid génère une surmortalité significative en 2020.

Il existe un autre effet important et bien connu concernant la mortalité, il s’agit de l’effet « harvesting » ou en français « l’effet de moisson ». Il existe tous les ans au passage d’un événement sanitaire tel que la grippe une « surmortalité ». Une partie des personnes arrivant en fin de vie car ayant une santé précaire, principalement parce qu’elles sont très âgées ou pour tout autre raisons, décèdent d’une manière « synchronisée » au passage de l’événement. Il ne s’agit pas d’une fatalité, cela concerne une minorité de personnes heureusement mais tout de même suffisamment saillante pour que cela puisse être détecté de manière statistique au niveau d’une population importante (comme celle de la France). Ainsi certains individus perdent quelques mois ou semaines d’espérance de vie et d’autres en gagnent. Si, par exemple, une année donnée, la grippe atteint peu de personnes, la surmortalité pour la grippe est plus faible et les personnes qui seraient mortes si l’épidémie avait été forte « gagnent du temps de vie » jusqu’au prochain événement sanitaire fort.

C’est probablement ce qui s’est produit pour le Covid. Les deux années précédentes (2018 et 2019) la grippe a été très faible et n’a pas provoqué de surmortalité voire même une sous mortalité avait été estimée. Le Covid a lui, à son passage, provoqué cet effet de harvesting. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Covid semble avoir fait une surmortalité exceptionnelle lorsque l’on compte de manière simpliste les morts. Mais cela doit être mis en perspective non seulement avec les morts qui aurait dû avoir lieu les deux années précédentes mais aussi avec les morts qui n’auront pas lieu au passage de la prochaine grippe. En effet, après la canicule de 2003, nous avons assisté à une sous mortalité chronique pendant plusieurs années. De la même manière, la forte grippe de 2016-17 qui avait provoqué 15 000 morts en excès, a produit une sous mortalité les deux années suivantes (2018 et 2019).

Figure 3 : La courbe rouge est celle de l’évolution du différentiel mensuel de mortalité entre la mortalité observée au temps t (abscisses) et la mortalité attendue pour le même temps sur une période allant de juillet 2016 à mai 2020. La courbe bleue indique les incidences mensuelles de syndromes grippaux. On observe distinctement en janvier 2017, un pic de l’incidence des syndromes grippaux lors de l’épidémie de la saison 2016-17, concomitant à un pic de surmortalité de 15 000 morts en excès. Lors de l’épidémie suivante de la saison 2017-18, plus faible et tardive, le pic de surmortalité arrive en avril 2018. Il est 2 fois plus faible environ 7 000 morts en excès. Lors de l’épidémie suivante de la saison 2018-19, plus faible et tardive, le pic de surmortalité arrive en mars 2019, il est encore plus faible environ 4 000 morts en excès. Le fait marquant est la saison 2019-20 avec juste avant l’épidémie de grippe une sous-mortalité de 6 000 morts juste avant l’arrivée de l’épidémie de Covid. Enfin le dernier pic est celui qui correspond à l’épidémie de Covid avec moins de 18 000 morts en excès. Le bilan de la surmortalité de la saison 2019-20 comprenant épidémie de grippe et Covid fait état de 18 000 – 5 000 = 13 000 morts en excès ce qui correspond à une forte grippe.

figure-3

6) Dès la phase de décroissance de la cloche, puis avec le déconfinement, certains n’ont cessé d’alerter sur l’arrivée prochaine d’une « deuxième vague ». Qu’en pensez-vous ? Est-ce une probabilité compte tenu du diagnostic de l’épidémie que vous aviez posé ? Cela arrive t-il dans les autres épidémies ?

La notion de « deuxième vague » est cruciale car toute la stratégie des mesures sanitaires mises en place depuis le début du mois d’aout, ainsi que celles qui concernent ce que nous avons appelé le « gouvernement par la peur », reposent essentiellement sur cette éventualité.

Une deuxième vague ? De quoi s’agit-il exactement ? Tout d’abord la notion de « vague épidémique » est une métaphore maritime qui a été filée plus tard par le terme « tsunami » pour la rendre encore plus anxiogène ou encore plus tard de « montée des eaux » à la manière d’une marée lente et inexorable. Les mots ont un sens et distordre ce sens n’est pas dénué d’intention. Cette « vague » est en réalité ce que les épidémiologistes appellent une « phase épidémique ». Par exemple une maladie passe en « phase épidémique » lorsque son incidence (nombre de nouveaux cas dans un lieu donné) dépasse une valeur seuil. A partir de ce dépassement, la dynamique de l’épidémie devient très rapide et touche de plus en plus d’individus en un temps très court. C’est une forme d’emballement du phénomène qui se traduit par une augmentation exponentielle de l’incidence des « cas ». C’est exactement ce que l’on a observé entre le 1er mars et le 1er avril 2020 pour l’épidémie de Covid et que l’on observe pour toutes les maladies transmissibles de type « ORL » : grippe, bronchiolite etc…

Au début de l’épidémie, ce que nous appelions « cas » étaient les individus hospitalisés pour une forme grave, ou ceux qui correspondaient au tableau clinique du Covid et qui était confirmés par la suite par un test PCR (lorsqu’ils ont été disponibles). Mais globalement il y avait très peu de différence en termes d’effectifs entre ces différentes définitions. En revanche, plus tard, à partir du mois d’août, quand les tests ont été accessibles et généralisés massivement en population, alors la notion de « cas » a été exclusivement celle donnée par un test positif indépendamment de la forme clinique de la maladie. En d’autres termes, il a été possible à partir d’août de mélanger sous le terme « cas » des individus « hospitalisés pour une forme grave » qui constituent une ultra minorité, et des personnes peu symptomatiques, voire totalement asymptomatiques, qui, elles, représentent l’écrasante majorité des tests positifs. Tout le monde est à même de comprendre que grâce ou à cause de la généralisation des tests il est possible de considérer comme un « cas » une personne non malade d’où le côté complètement ubuesque de la situation lorsque l’on prend comme référence cette nouvelle définition de « cas » pour mettre en place des mesures drastiques et extrêmement contraignantes pour l’ensemble de la population alors que la plupart de ces cas ne sont pas des malades et passeraient totalement inaperçus si nous ne faisions pas de tests.

Il n’est donc pas possible de considérer ces fameux « cas » comme significatifs d’une épidémie c’est la raison pour laquelle j’avais dit aux journalistes : « une épidémie sans malade, je ne sais pas ce que c’est ! ».

Si on veut comprendre ce qu’est une phase épidémique, il faut au moins se référer aux définitions de ce qu’est un « cas ». Et, pour un épidémiologiste, un « cas » est un malade identifié par le système de soin au sens large : soit qu’il ait été détecté cliniquement par un médecin parce que le patient se sentait suffisamment « mal » pour ressentir de besoin de consulter, soit qu’il ait été hospitalisé. Or dans ces deux cas, aucune des valeurs d’incidence ne dépasse un seuil épidémique.

Une fois que nous sommes d’accord sur ce qu’est un cas, une incidence, un seuil épidémique et une « phase épidémique », il faut encore comprendre d’où vient l’idée d’une succession, une récurrence, de phases (vagues) épidémiques.

Il est difficile d’y croire en effet car les épidémies modernes précédentes telles que H1N1, SARS, MERS, ZIKA, pour lesquelles les mécanismes de peur généralisée avaient déjà été déployée mais moins intensément que pour l’épidémie de Covid, n’ont pas fait de 2ème vague. En revanche, il est parfaitement vrai que nombre de maladies transmissibles génèrent des récurrences saisonnières avec la plus connue d’entre elles, la grippe, mais aussi les bronchiolites, les gastroentérites et pratiquement toutes les pathologie ORL de l’enfance auxquelles il faut aussi ajouter évidemment ce que nous appelons les maladies infantiles, telles que la rougeole, les oreillons, les varicelles, etc.

Donc la récurrence saisonnière de phases épidémiques existe évidemment. C’est probablement la raison pour laquelle une telle idée est si facilement admise car intuitivement, dans la conscience collective, cela existe quelque part. Mais la comparaison n’est pas applicable sans explications.

Le premier point à bien intégrer avant toute explication est qu’a priori, il est peu probable qu’un virus soit totalement éradiqué. A ma connaissance seul le virus de la variole a disparu de la circulation dans les populations. Mais pour le cas général, les virus continuent à circuler de manière endémique, c’est à dire qu’il existe que l’on appelle des « réservoirs », à savoir des « hôtes » qui les portent sans pour autant développer une maladie, ils vivent en symbiose avec leur porteur. Ces réservoirs peuvent être humains ou animaux. Le fait qu’il existe des porteurs sains n’implique pas nécessairement la réémergence d’une épidémie. Pour qu’une épidémie redémarre il faut des conditions particulières parmi lesquelles l’existence de personnes susceptibles de faire la maladie, soit qu’elles n’ont jamais rencontré le virus, soit qu’elles aient perdu l’immunité déjà acquise lors d’un phase épidémique précédente ou lors d’une vaccination. On sait que l’immunité vaccinale n’est pas toujours définitive, d’où les fameuses « piqures de rappel ». Dans tous ces cas, l’individu en question est redevenu « naïf » pour le virus il est donc susceptible d’être malade de nouveau par le même virus, c’est ce qui est appelé une « réinfection ». Ce cas de figure reste toutefois très rare. Il est dû là encore à un affaiblissement de la réponse immunitaire (autres maladies, thérapeutiques épuisant l’organisme, comportements à risque, mauvaise alimentation, sédentarité, grande vieillesse). A nouveau, il s’agit de personnes à risque que l’on peut identifier.

La plupart des récurrences épidémiques s’expliquent par le fait que le même tableau clinique, par exemple celui de la grippe, peut être induit par des virus proches mais cependant différents. Ainsi, ce que l’on appelle « grippe » est en réalité un « syndrome grippal » qui peut être provoqué par de nombreux virus circulants parmi lesquels certains sont connus et donc intégrés dans la fabrication d’un vaccin et d’autres sont nouveaux. Ces derniers sont inconnus, donc impossible à intégrer dans le « cocktail vaccinal », mais aussi inconnus du système immunitaire des individus qui n’a pas encore appris à lutter contre ce nouveau virus. Dans tous ces cas les individus sont naïfs pour ce virus donc susceptibles d’être malades. Si ces individus sont nombreux alors sous certaines conditions (par exemple le froid en hiver associé au confinement), une phase épidémique peut se déclencher. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, malgré l’existence d’un vaccin, les épidémies de grippe sont toujours présentes tous les hivers. Et ce mécanisme est le même pour bien d’autres pathologies récurrentes telles que les gastroentérites[1]. D’où l’idée de vagues épidémiques récurrentes. Au passage, cela met très nettement en question l’éventuelle efficacité d’un « vaccin bricolé à la va vite » contre le Covid. Mais c’est une autre histoire…

Pour résumer, en général, lors du passage d’une phase épidémique, si le mode de transmission est particulièrement efficace, alors un grand nombre de personnes sont exposées donc « apprennent » à lutter contre ce virus et ne sont plus naïves vis-à-vis de lui. Ils forment donc une barrière à sa diffusion. Si le virus est très contagieux, une seule vague suffit à le bloquer. Nous expliquerons en détail ces mécanismes plus bas.


Encadré : les origines et la diffusion de la rumeur de la « deuxième vague de COVID »

Dès le 14 février 2020, alors que l’épidémie n’était pas encore « arrivée officiellement » en France, une lettre publiée dans le Lancet indiquait déjà la possibilité d’une deuxième vague. Cette lettre dans le Lancet signée du Pr. Antoine Flahault. C’est en partie la lecture de cette lettre qui a participé à ma décision de me lancer dans la réflexion sur le Covid.

Pourquoi ? Parce que d’une part, je connais bien les « réflexes » d’Antoine Flahault. En effet en 1995, il est arrivé dans l’équipe du réseau Sentinelle et nous avons beaucoup collaboré pendant plus de 10 ans. Je l’apprécie beaucoup et je n’ai pas de problème personnel avec lui, au contraire. Mais il est l’un des chefs de file en France des « catastrophistes » à l’instar d’un autre « catastrophiste international » Neil Ferguson, il est l’un de ces chercheurs qui depuis de nombreuses années prédit toujours l’imminence de la prochaine pandémie et brandit dès que l’occasion lui en est donnée, le spectre de la « grippe espagnole » et cela au moindre sursaut d’un banal virus. Il le fait de manière très intelligente maniant avec brio le conditionnel et l’ambiguïté, se laissant quelle que soit l’issue de ses prédictions une porte de sortie honorable. Il est néanmoins toujours très influant et nous assistons aujourd’hui aux conséquences de ses propos. Il avait prédit et prédit encore l’imminence voire l’existence d’une deuxième vague or même si presque tout le monde le croit, nous ne sommes absolument pas, dans les faits, face à la définition d’une phase épidémique. Donc pour l’instant la « deuxième vague » reste de manière factuelle une sorte de fantasme.

La deuxième origine de l’idée de deuxième vague vient des fameux « modélisateurs » du genre de l’Imperial College of London (Neil Ferguson) et leurs équivalents français (comme le biomathématicien Simon Cauchemez qui est membre du Conseil scientifique Covid-19). Ce sont les mêmes qui : 1) ont prédit 500 000 morts en France, 2) ont poussé par des prédictions cataclysmiques à la mesure absurde du confinement dont les conséquences sont infiniment pires que le mal qu’elle est sensé combattre, 3) continuent à œuvrer dans l’ombre pour maintenir des mesures toutes plus inefficaces les unes que les autres, 4) ont calculé et publié dans des revues prestigieuses (Science, Nature) que le taux d’immunisation était très faible et que donc il fallait s’attendre à des vagues encore plus importantes si on ne maintenait pas des mesures de restriction des contacts toujours plus sévères 5) fournissent toujours les modes de calcul du fameux R0 qui sert de base aux calculs des indicateurs pour mettre les départements en zone rouge induisant les mesures liberticides que l’on connaît.

Sur la base de leurs calculs approximatifs, ils prédisaient avant même la mise en place du confinement la récurrence obligatoire de vagues épidémiques successives dès que l’on relâcherait le confinement. Or rien de ce qu’ils ont prévu ne s’est produit. Cette deuxième vague n’est jamais arrivée. Aujourd’hui à force de matraquage médiatique avec force « indicateur », tout le monde ou presque est persuadé que la deuxième vague est là mais c’est une interprétation totalement abusive dont nous allons reparler dans cet entretien.


7) « Cas positifs », « malades », « hospitalisés », « morts du Covid », à la maison, à l’hôpital ou dans des maisons de retraite et des Ehpad… quelle est finalement la solidité des statistiques sur lesquelles reposent toutes nos analyses ?

De mémoire d’épidémiologiste, jamais nous n’avons été face à cette amphigouri incontrôlée de chiffres, d’indicateurs, de notions scientifiques (qui parfois sont d’une grande complexité) donnés en pâture à une population totalement effarée par cette profusion devant laquelle, forcément, elle démissionne car la confusion règne. Seul le résultat paradoxal compte : la panique et globalement la restriction presque volontaire de leurs propres libertés.

Il serait beaucoup trop long de faire une analyse détaillée de tous les biais méthodologiques à tous les niveaux de cette invraisemblable exubérance. D’ailleurs, j’y renonce car nous sommes face à une sorte de puits sans fond, un véritable tonneau des Danaïdes. A chaque fois que l’on tente d’expliquer longuement, précisément, de manière la plus rigoureuse possible, en quoi il n’est pas possible de s’appuyer sur tel ou tel indicateur pour mettre en place telle ou telle décision sanitaire, un nouvel indicateur plus anxiogène sort du chapeau et il faut tout recommencer : épuisant !

Souvenez-vous, au début de l’épidémie, le directeur général de la santé, le Pr. Salomon, venait chaque soir commenter 3 indicateurs qui étaient les nombres cumulés, i) d’hospitalisés, ii) d’entrés en réanimation et iii) de décès pour Covid.

Dans mon analyse du 11 mars 2020, je m’étonnais déjà d’un tel choix : « la valeur cumulée moins efficace en l’espèce (et plus dramatique) semble avoir toutes les faveurs ». Pour des raisons évidentes de dramatisation ces indicateurs à charge émotionnelle forte ont été égrenés quotidiennement alors que d’autres – tels que les tests en faible nombre certes ou les patients détectés par les médecins de terrain – était disponibles. Puis, dès lors que l’épidémie a entamé une nette décrue à partir de la mi-avril, les interventions télévisées du Pr Salomon se sont espacées et nous n’avons plus entendu parler de ces indicateurs mortifères.

Entre temps quelques épidémiologistes dont je fais partie avaient montré à quel point l’utilisation des données cumulées était non seulement inopérante pour rendre compte de la dynamique de l’épidémie mais surtout mettait en lumière l’amateurisme de la communication sanitaire du gouvernement. Ainsi j’écrivais le 11 mars 2020 dans « une épidémie déconcertante » : « l’incidence, c’est à dire le nombre de nouveaux cas dans un lieu donné par unité de temps, est utilisée pour décrire l’évolution des épidémies. Cet indicateur est paradoxalement très peu utilisé dans le cadre du COVID-19 ».

Par ailleurs, ces indicateurs montraient des valeurs tellement basses qu’il devenait parfaitement ridicule de les utiliser. De plus, de tels chiffres mettaient en lumière à quel point les autorités sanitaires se trompaient. Nous l’avons un peu oublié mais elles nous prédisaient une « deuxième vague » dès le déconfinement, à partir d’une semaine après le 11 mai 2020. Or les chiffres nous disaient exactement le contraire.

Pendant l’été, force est de constater que les choses se sont vraiment calmées. Bien sûr, le département de la Mayenne a été sur la sellette au point que ces habitants étaient tous considérés comme des pestiférés et le département montré du doigt. Du coup, c’est le seul à ne pas avoir eu la possibilité de recevoir des vacanciers et se « refaire » économiquement pendant l’accalmie. Je les plains. Mais c’est aussi l’époque où, bien après la bataille, alors qu’ils n’étaient plus du tout utiles, nous avons pu disposer enfin de tests en grande quantité. C’est alors qu’une nouvelle frénésie sanitaire totalement inutile a commencé : le testage généralisé et « gratuit » de toute la population. Dès lors, le seul indicateur valable aux yeux des autorités sanitaire était le nombre de tests positifs. Certes cela ne représentait pas grand-chose (en moyenne moins de 5% de tous les tests réalisés étaient positifs). Mais l’avantage était que, dans la mesure où le nombre de tests effectués était gigantesque, les nombres de test positifs même faibles en pourcentage constituaient des effectifs suffisamment importants pour prendre le relais des morts dans la communication anxiogène. Oubliée l’hospitalisation, le passage en réanimation et même les décès. Seul comptait désormais, le nombre quotidien de nouveaux testés positif qui lui augmentait de façon « exponentielle » à partir du 15 aout.

Pas de chance, ce nombre a fini pas « plafonner » lui aussi et n’augurait plus – comme certains l’espérait – d’une vraie épidémie. Qu’à cela ne tienne, un nouvel indicateur a alors été bricolé : le « taux de positivité » et, miracle, lui augmente ! Un taux est tout de même beaucoup plus pratique car il est possible de jouer sur deux chiffres plutôt qu’un seul. Pour faire augmenter un taux, c’est soit le numérateur qui augmente, soit le dénominateur qui diminue. Ainsi, si le numérateur n’augmente plus, alors il suffit de faire baisser le dénominateur. C’est exactement ce qui a été fait à partir du 14 octobre 2020. En effet beaucoup se sont plaints à juste titre qu’étant donné que les tests étaient gratuits, des personnes se faisaient tester plusieurs fois et que les files d’attente étaient très longues. C’était contre-productif car les « vrais malades » c’est-à-dire ceux qui avaient quelques signes (pas les hypocondriaques) devaient attendre longtemps pour obtenir leurs résultats, les laboratoires étant surencombrés. Alors on a eu cette idée géniale : il faut sélectionner les gens, à partir du 11 septembre 2020 on va cibler les plus symptomatiques en priorisant les personnes disposant d’une ordonnance médicale. Du coup, la petite proportion de personnes plus symptomatiques que les autres a augmenté dans l’échantillon global des personne testées et, par voie de conséquence, le « taux de positivité » a lui aussi augmenté, non pas parce qu’il y avait plus de virus circulant mais simplement parce que l’échantillon n’était plus représentatif de la même population.

Au final ce subterfuge n’a même plus été nécessaire car, quelques jours plus tard, un autre phénomène est venu amplifier le numérateur et donc le taux de positivité n’a plus été utilisé. Nous sommes revenus naturellement au nombre de cas positifs car les viroses automnales sont entrées en jeu dans la machine et a fait spontanément augmenter le nombre de personnes symptomatiques lesquelles sont allées se faire testés dès l’apparition du moindre signe ORL (comme les rhumes). D’après ce que nous savons sur la sensibilité/spécificité des tests PCR, un très grand nombre de personne testées positives le sont pour des virus qui partagent nombre d’acides nucléiques avec ceux du SRAS-Cov2 d’où un facteur de confusion extrêmement important et l’augmentation invraisemblable de tests positifs mais bizarrement très peu suivie par celles par le nombre d’hospitalisation et de mortalité. C’est embêtant !


Encadré : pourquoi les chiffres baissent souvent le week-end pour remonter le lundi

Sur l’utilisation étrange des statistiques voici un autre exemple typique sur lequel j’ai été largement pointé du doigt notamment par Libération et France Télévision alors que je m’étonnais dès le mois d’aout que les autorités de santé donnent le nombre quotidien de tests PCR positif au Covid. En effet, le fait que ces chiffres fluctuent beaucoup d’un jour à l’autre pose un réel problème et démontre que nous avons à faire à une communication officielle volontairement anxiogène puisqu’on ne communique sur les chiffres que lorsqu’ils sont aux points les plus hauts. Une explication fréquente est que les tests positifs du samedi et du dimanche sont en partie reportés le lundi parce qu’une partie des personnels concernés sont en repos le week-end. Du coup, les chiffres du samedi et du dimanche sont très bas alors que les chiffres du lundi sont très hauts. A chaque fois qu’on nous donne un chiffre du lundi en le qualifiant de « record », nous sommes face à une sorte de supercherie.

8) Finalement, il y a combien de malades, légers ou graves, du Covid en France alors ?

Sur les près de 15 millions de tests effectués 7% seulement sont positifs, ce qui signifie que 93 % sont négatifs. Sans même discuter la fiabilité de ces tests par PCR (qui se pose pourtant lorsqu’ils sont trop sensibles et détectent donc des faux positifs, c’est-à-dire des traces d’acide nucléique chez une personne qui n’est plus ni malade ni contagieuse), 93 % des tests sont négatifs cela signifie que l’immense majorité de la population n’est pas porteur de ce virus. Pour autant, c’est à cette immense majorité de la population que l’on impose des mesures drastiques et liberticide tels que le port du masque à l’extérieur, le couvre-feu et peut-être demain un reconfinement. Et il y a plus encore : parmi les 7% restant de la population testée positive, plus de 85 % ont moins de 60 ans ; c’est-à-dire que ce sont quasiment toutes des personnes qui ne sont pas à risque de faire une forme grave de la maladie. Bref nous avons fait près de 15 millions de tests, à un coût de plus d’un milliard d’euros, pour nous informer que moins de 1% de la population est à risque : étonnant, non ?

Quant aux morts, de quoi sont-ils morts exactement ? Combien de causes de décès existe-t-il ? Comment ces causes sont-elles classifiées ? Meurt-on d’une et unique cause ? Qui et comment décide de déclarer qu’une personne meurt de telle ou telle cause principale et comment évaluer réellement les causes secondaires du décès ? C’est tout le problème car il est compliqué de comptabiliser une personne de 85 ans diabétique et obèse, souffrant d’hypertension ou bien avec un cancer en phase terminale, comme mort du Covid au simple motif que, lorsqu’il est arrivé en urgence à l’hôpital, il avait un test PRC positif au Sars-Cov2. Or c’est pourtant ce que font les autorités sanitaires. Il faut comprendre que, dans le système actuel, cette personne sera comptée 2 ou 3 fois : une fois comme hospitalisée pour Covid, peut-être une deuxième si le médecin réanimateur estime qu’en son âme et conscience, il ne peut pas « choisir » et donc le comptera aussi en réanimation, et enfin une troisième fois comme décédé du Covid.

Pour revenir à votre question sur le nombre de malades graves, cette question est probablement la plus simple que vous m’ayez posée car elle est accessible à toute personne manipulant des méthodes mathématiques rudimentaires à savoir des sommes et des divisions.

Au cours de la période récente d’intensification (entre le 1er septembre et le 20 octobre 2020 jour où j’ai fait ce calcul pour la dernière fois), 7 621 098 tests ont été pratiqués. Sur cette même période, 38 100 individus ont été hospitalisés (0,5 %) et 6 593 ont été admis en réanimation (0,09 %) avec un test positif au Covid.

En d’autres termes, depuis le 1er septembre, sur la base d’un échantillon de la population française gigantesque de 7,6 millions, la probabilité moyenne pour chaque individu lambda (sans distinction d’âge ou de comorbidité) de ne pas être hospitalisé est de 99,5 % et celle de ne pas être admis en réanimation est de 99,91 %.

C’est plus qu’infime, et c’est pourtant sur cette base que l’on décide de mettre 43 millions de français sans distinction d’âge ou de comorbidité sous couvre-feu et peut-être bientôt les 67 millions en reconfinement.

9) Après de nombreuses annonces non-vérifiées, il y a eu finalement une ré-augmentation de la mortalité liée au Covid-19 à partir de la fin du mis d’août. Quelle est son ampleur ? Comment s’explique t-elle ? Quels sont le ou les scénarios probables pour les mois qui viennent ?

Comme je l’ai dit plus haut, la deuxième vague aurait dû arriver dès le déconfinement, c’était prévu théoriquement par ceux qui avait annoncé les 500 000 morts. Puis par ceux (les mêmes) qui nous avait dit que seulement 4,4 % de la population était immunisé alors que lors du déconfinement le virus circulait toujours. C’était une évidence cette deuxième vague devaient normalement arriver 15 jours après le déconfinement. A cette époque j’avais écrit et publié que si cette deuxième vague n’arrivait pas alors il faudrait se poser de sérieuses question sur l’efficacité du confinement, car de fait toute la théorie de l’isolement des contacts se trouverait automatiquement invalidée. Or cette deuxième vague n’a pas eu lieu. Ce constat est le quatrième élément et non des moindre, qui met en doute l’efficacité du confinement.

Elle n’a pas eu lieu car il s’est passé autre chose que ce que la théorie des modélisateurs prédisait car ils ont négligé imprudemment de nombreux éléments dans leur modèle.

Le plus énorme élément négligé est que dans une épidémie, il est faux de considérer que l’intégralité de la population est susceptible de faire une forme de la maladie. Dès que nous avons eu les premières données de Chine nous avons compris que seule une infime partie de la population était réellement touchée. Plus tard avec l’incroyable « expérience » en vie réelle du bateau de plaisance « Diamond Princess » nous avions une magnifique expérimentation humaine avec un échantillon suffisamment grand pour faire des estimations sur l’effet d’un tel virus sur une population plus large.

Lors de sa première (et unique pour l’instant) phase, entre le 1er mars et le 1er mai, l’épidémie a décrit ce que l’on appelle son histoire naturelle c’est-à-dire quelle s’est répandue très vite comme je l’ai expliqué plus haut. Pendant cette phase, une grande partie de la population a été exposée mais seulement une infime partie (environ 100 000 personnes) ont fait une forme grave, une beaucoup plus grande partie a fait une forme réelle – environ 2 millions de personnes – et une immense partie à fait une forme bégnine ne nécessitant même pas l’intervention d’un médecin. Quant aux enfants et aux adolescents, sauf exceptions, ils n’ont même pas fait de forme de maladie du tout. De fait, tous ces individus qui ont eu ces diverses formes de la maladie ont formé une barrière collective pour la dynamique de l’épidémie et ont stoppé la phase épidémique en 4 semaines. La même dynamique que celle de la grippe en France.

Stopper la phase épidémique ne veut pas dire éradiquer le virus, le virus a continué à circuler mais de manière très faible comme dans toutes les épidémies. A partir du mi-août l’incidence de certains indicateurs ont commencé à augmenter de nouveau mais de manière très faible. Et c’est toujours le cas aujourd’hui.

Figure 4 : Évolution comparée des incidences hebdomadaires de cas de COVID-19 confirmés en France (en rouge) et des incidences hebdomadaires de décès (en gris) entre le 1er janvier 2020 et le 22 octobre 2020. Le nombre hebdomadaire de cas confirmés est maximum au 22 octobre il atteint les 188 319 cas soit plus de 4 fois supérieur à sa valeur à la valeur maximum atteinte lors de la première phase épidémique. En soit une telle courbe est parfaitement aberrante car la mortalité à l’époque du 1er pic atteignait les 6 823 morts par semaine alors qu’au 22 octobre elle est environ 7 fois plus faible.

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Figure 5 : Évolution des incidences hebdomadaires de décès (en gris) entre le 1er janvier 2020 et le 22 octobre 2020. Le nombre hebdomadaire de décès atteint les 6 863 morts par semaine la semaine du 9 avril 2020 alors qu’au 22 octobre elle vaut 1 023 morts par semaine soit environ 7 fois plus faible.

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10) Quand la plupart des gens qui s’expriment dans le débat public ne parlent que de contenir la propagation du virus, vous défendez au contraire la nécessité de sa circulation afin de parvenir à l’immunité collective. Pouvez-vous nous rappeler de quels mécanismes de biologie des populations il est question ? Et sur la base de quels précédents vous vous fondes ?

Oui, en effet la question de l’immunité collective est l’un des points centraux de mon approche de la question et elle n’est pas simple. Comment s’arrêtent les épidémies ? Cette question semble très simple et pourtant si nous savions y répondre nous ne serions pas depuis 8 mois dans l’état de confusion généralisée qui caractérise notre comportement collectif jusqu’au plus haut niveau.

Une épidémie de maladie transmissible telle que le covid, se transmet par « contact » au sens large : contact physique ou par proximité et projection de gouttelettes même très fines contenant des virus, aérosol, objets… Si le virus est « nouveau », on dit que la population est « naïve » pour ce virus c’est-à-dire qu’elle n’a pas appris à le combattre. Dès lors, le virus peut pénétrer sans trop de difficulté dans les cellules d’un individu. L’individu est infecté. Le virus utilise les ressources de cet individu « hôte » pour se reproduire en grand nombre. Plusieurs mécanismes peuvent se mettre en place à partir de ce moment. Le système immunitaire de l’individu reconnaît et produit des agents spécifiques (anticorps) pour lutter contre cette intrusion et prolifération du virus en son sein. Une partie des virus produits peuvent être expulsés vers l’extérieur par des éternuements et de la toux. Les virus, après avoir été expulsés vers l’extérieur, sont captés par d’autres individus qui peuvent être à leur tour infectés et donc infecter d’autres individus. Le phénomène de diffusion est évidemment de plus en plus rapide car chaque personne pouvant potentiellement en infecter plusieurs, le nombre de nouveau infecté augmente de manière « exponentielle ».

Dans un schéma non létal (on verra la variante après), au bout d’un certain temps (environ une dizaine de jours), les personnes infectées guérissent. Elles « sortent » donc du système épidémique puisque 1) elles ne peuvent plus contaminer d’autres personnes « susceptibles » (« naïves »), 2) elles ne sont plus contaminables elles-mêmes car leur corps a « appris » à reconnaître et combattre le virus. Autrement dit, elles peuvent désormais « vivre avec le virus », elles sont « immunisées ». Au cours du temps, cette catégorie de personnes immunisées augmente rapidement et elles « freinent » automatiquement la circulation du virus puisqu’elles ne sont plus transmettrices. Au bout d’un moment, le nombre de nouveaux infectés (incidence) atteint un maximum (dit pic épidémique) et l’immunisation collective a atteint un seuil « critique » (dit seuil de percolation). Ce pic est suivi d’une décroissance rapide pour atteindre la fin de la phase épidémique de manière quasiment symétrique à la croissance.

Dans le modèle explicatif très simple décrit ci-dessus, tous les individus guérissent après avoir été infectés. Évidemment, il est facile d’imaginer un modèle légèrement amélioré où l’immense partie des personnes guérissent effectivement mais une toute petite partie ne guérit pas voire même meurt de la maladie. Et plus cette part de la population qui ne guérit naturellement pas est importante, plus une maladie est dangereuse. Le taux de mortalité parmi les infectés (létalité) est un indicateur essentiel de la gravité de l’épidémie. Or en regardant froidement ces indicateurs pour le Covid, par rapport à tout ce qui est connu en termes de pathologie de l’homme, nous constatons que globalement cette épidémie est en réalité très banale.

Je m’explique. Ce mécanisme d’arrêt d’une phase épidémique est observé tous les ans lors des épidémies de syndromes grippaux. Une épidémie de grippe touche en moyenne environ 2,5 millions de personnes par saisons parfois exceptionnellement 3 millions de français. Dans ce cas, la surmortalité est importante et les services des urgences hospitalières sont débordés. En janvier 2017 il a été estimé 15 000 décès en surnombre par rapport aux années précédentes. Cette description est très ressemblante à ce que l’on a vécu avec le Covid en 2020 entre le 1er mars et le 1er mai. Pour cette épidémie de Covid, l’étude de facteur de risques montre que seules les personnes très âgées et/ayant une santé très précaire font des formes graves de la maladie et peuvent en mourir. Dès lors les personnes qui ne risquent presque rien (un peu de fièvre pendant quelques jours ce qui arrive fréquemment en période hivernale), et qui représentant entre 80 et 85% de la population, feront barrière collective à la propagation du virus. C’est la raison pour laquelle, il est stupide de limiter la propagation épidémique pour cette catégorie de la population car le risque est calculable et très limité. En revanche le bénéfice serait immense car leur statut d’immunisé permettrait d’arrêter l’épidémie par le mécanisme explicité plus haut.

11) D’autres pays ont fait dès le début ce pari de l’immunité collective. Le plus connu en Europe est la Suède. Quelle est donc le bilan et l’évolution de l’épidémie en Suède depuis mars dernier ?

Il est effectivement très important de comparer la France, qui a adopté en mars une stratégie de confinement généralisé de la population pour limiter les conséquences sanitaires de l’épidémie, et la Suède, qui a appliqué une stratégie différente.

Schématiquement, la stratégie de la France est de considérer que, pour endiguer la propagation épidémique, il faut couper les liens de transmissions entre les individus. Si les contacts entre les individus sont coupés, alors le virus ne peut plus passer d’un individu à l’autre et ainsi la dynamique de l’épidémie est stoppée. Dans cette approche, il est nécessaire d’isoler tout le monde de la même manière sans distinction, indépendamment des facteurs de risque individuel, de manière massive, et pour une durée indéterminée dictée sur la circulation du virus qui elle-même est difficile à estimer (d’où un risque d’hésitations et de revirements permanents).

En Suède, schématiquement la stratégie est à l’opposé puisqu’elle est fondée sur l’immunité collective. Les individus ayant contracté la maladie, une fois guéris, forment spontanément une barrière à la dynamique de l’épidémie car le virus ne pouvant plus se servir d’eux comme transmetteurs, tout se passe comme s’ils étaient « isolés ». Dans cette approche, l’idée est de protéger évidemment les personnes à risques dont on connaît la caractéristique et qui forme une petite minorité de la population. Mais l’immense majorité de la population peut rester libre. Du coup, le risque est de voir augmenter rapidement le taux de contamination. Mais comme celui-ci ne produit que des formes bénignes, le coût global (au sens large) pour la société est très faible.

Les avantages théoriques de la méthode Suédoise sont nombreux. Je passe évidemment sur la qualité de vie et les conséquences sociales et économiques différentielle entre les deux stratégies (ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas extrêmement important), pour ne parler ici que de la dynamique de l’épidémie elle-même.

Dans le cas de Suède, fondée sur le modèle de l’immunité collective, à la fin de la première phase épidémique, il ne peut pas y avoir d’autres « vagues » et l’épidémie s’arrête spontanément. On peut encore observer pendant quelques mois des cas sporadiques mais la mortalité tend vers zéro. Et c’est ce qui se passe si on regarde les chiffres (en gardant en tête leur grande imprécision décrite plus haut, mais on regarde ici l’allure des courbes plus que leur niveau).

Regardons d’abord les décès. La courbe ci-dessous compare l’évolution temporelle de l’incidence hebdomadaire de la mortalité pour 100 mille habitants. Nous constatons que les deux courbes respectent globalement la dynamique classique de l’évolution épidémique avec un phase de croissance exponentielle en 4 semaines, une redescente rapide en 4 semaines pour la France et environ 8 semaines pour la Suède (si on considère un seuil de 2,5 décès par semaine pour 100 mille habitants (D100mH) atteint pour la France lors du déconfinement le 11 mai 2020). On remarque donc en effet que la décroissance est 2 fois plus lente pour la Suède, en revanche le pic épidémique est intervenu en même temps (au bout de 4 semaines). Fait remarquable et paradoxal, il est plus important en France (10,17 D100mH) qu’en Suède (6,69 D100mH). En observant ces deux courbes, l’impression qui se dégage est qu’il n’y a pas une très grande différence entre la dynamique épidémique de la France et celle de la Suède.

Cette observation est le cinquième élément qui met en doute l’efficacité du confinement.

Je pourrais même être de mauvaise foi en faisant remarquer que la Suède a réussi paradoxalement à mieux « aplatir » la courbe de la mortalité en n’appliquant pas de confinement alors que normalement – c’est ce qui avait été « vendu » à la France – cet aplatissement aurait dû être meilleur pour la France. Cette observation est le sixième élément qui met en doute l’efficacité du confinement. Mais le plus important dans cette comparaison est qu’en aucun cas nous n’observons un effet du confinement sur la dynamique de la croissance épidémique. Dans les deux cas, confinement ou pas, l’atteinte du maximum donc de l’arrêt de la croissance épidémique est semblable. Cette dynamique est d’ailleurs semblable en tout lieu de l’humanité indépendamment des mesures sanitaires prises. Ce constat est particulièrement navrant car cela suggère que le confinement n’a servi à rien. L’option radicalement différente prise par la Suède a au contraire été un choix judicieux et conforme à la théorie de la dynamique de l’extinction des épidémies.

Pour être complet, je ne peux cependant omettre l’argumentation des tenants du confinement qui consiste à montrer que la Suède est l’un des pays ayant le pire taux de mortalité des pays du monde puisque classé au 11ème rang alors que la France est meilleure car au 14ème rang (sur plus de 200 pays). En effet, si on prend comme référence le nombre cumulé de morts du Covid (avec toutes les réserves déjà faites sur les nombres cumulés), la moyenne hebdomadaire de décès Covid pour 100 mille habitant sur 31 semaines est de 11 pour la France et 13 pour la Suède. Donc plus élevé de 18 % pour la Suède. Cependant – sans entrer dans des calculs d’intervalle de confiance dû au fait que l’on se fonde sur une population 6 fois plus élevée en France qu’en Suède – on observe surtout que la mortalité augmente en France alors qu’en Suède elle est devenue quasiment nulle. D’ici quelques semaines, il est très probable que les deux pays seront sensiblement identiques pour le taux de mortalité. Et plus long terme, il est très probable que la France comptera davantage de morts.

Si l’on ajoute maintenant tous les autres dégâts individuels et collectifs, psychiques et matériels, causés par le confinement et les couvre-feux dans le cas de la France, il devient évident que la Suède réussi à juguler l’épidémie de manière beaucoup plus bénéfique pour sa population.

Figure 6 : Évolution comparée des taux d’incidences hebdomadaires pour 100 mille habitants de décès en France (en rouge) et en Suède (en vert) entre la première et la 32ème semaine de l’épidémie de Covid. Dans les 2 pays les maximums sont atteints simultanément en 4ème semaine. La Suède qui n’a pas appliqué de confinement voit sa dynamique de mortalité décroitre au bout de la 4ème semaine exactement comme la France qui a appliqué un confinement strict de 2 mois à partir du 17 mars 2020. La décroissance en suède est légèrement moins rapide mais ceci est explicable par la distribution géographique moins homogène que celle de la France. En revanche, il semblerait que la France connaisse une légère reprise de la mortalité alors que la Suède qui a appliqué une stratégie d’immunité collective ne semble plus montrer pour l’instant de reprise de la mortalité.

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